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Reçu le 26 avril 2009, Elisabeth, Québec:


Confessions d’une enseignante encore étudiante

 

Essai

 

J’ai toujours aimé l’école. Je n’ai pas toujours été une élève modèle, loin de là, mais il reste que j’ai toujours aimé apprendre et que cette soif s’est épanchée au sein  du système scolaire. Aujourd’hui, étudiante en enseignement de l’art dramatique, je suis des plus conscientes que ce système n’est rien d’autre qu’un moule, qu’il a ses limites et que les gens ne peuvent pas tous trouver leur compte là-dedans. Aussi, ce fameux moule permet, lorsqu’on le désire, de passer plusieurs années sur les bancs d’école en y apprenant le moins possible. Il est facile de répondre aux exigences sans jamais réellement s’instruire. Qu’est-ce qu’apprendre sinon acquérir la liberté de manier des concepts, des connaissances? Consciente de cela, j’ai toujours cru qu’il fallait s’approprier la matière, se l’offrir; faire ainsi preuve d’une certaine créativité afin d’être heureux dans une classe.

 

Aussi, quand j’ai pensé me diriger vers l’enseignement, mon désir était assez contraint par les limites du système scolaire. Vais-je réussir à trouver une satisfaction au sein d’un système que je trouve aussi frustrant?  Je trouve particulier de se donner corps et âme à quelque chose d’aussi imparfait. Or, je crois qu’au sein d’une telle structure, le pion le plus flexible est sans doute l’enseignant. Même s’il n’est pas en haut de la pyramide, c’est souvent celui qui arrive à rendre la structure scolaire plus accessible à tous, plus riche et plus vivante. Dans cette perspective, c’est un défi qui m’intéressait vraiment.

 

À l’approche de mon premier stage, j’avais quand même peur d’en sortir découragée. Je craignais de ne pas me sentir à ma place dans une école. Parce qu’on s’entend pour dire qu’elles n’ont pas bonne réputation. Les médias, les élèves comme les enseignants en parlent souvent comme d’un lieu presque dangereux où il est pénible de vivre; les toits qui coulent, le froid l’hiver, le bruit, la mauvaise aération, les murs bourrés d’amiante! Ces monstres bétonnés ne sont pas tous inspirants… Et les soins qu’on leur porte sont minimes.

 

En effet, si on en demande de plus en plus à l’école, on lui offre une place de moins en moins noble au sein de notre société. On lui demande de former les bâtisseurs de demain, ce qui n’est pas peu dire. On veut donc de bons citoyens qui soient travaillants et productifs en plus d’avoir de bonnes valeurs, l’esprit ouvert, une curiosité insatiable, une culture générale et un français impeccable. Bref, l’enseignant doit maintenant pallier pour le curé qu’on ne fréquente plus, la psychologue ou l’orthopédagogue qui n’est pas disponible et les parents qui travaillent trop. Bien entendu, à force d’attribuer tous les rôles au système scolaire, c’est forcément ce dernier qui est en tort lorsque quelque chose ne va pas.

 

Parce que si le jeune est au centre de l’apprentissage, c’est l’enseignant qui est au centre du système scolaire. C’est le seul qui puisse faire le lien entre les parents, le ministère, la commission scolaire, la direction, les autres enseignants et, tant que possible, entre la matière et l’élève. Alors que sa fonction devrait être celle-ci, alors que sa vocation est d’abord la passion de transmettre un savoir, cette partie de la tâche est souvent bien négligée, oppressée par tout le reste.

 

Les enseignants ont donc à composer avec de plus en plus de facteurs en plus de recevoir très peu de reconnaissance de la part de la société et de bénéficier d’un investissement ridicule de la part du gouvernement. Ce dernier a quelque peu perdu le contrôle et c’est normal. Comment donner une ligne directrice alors qu’on fonctionne par mandats de quatre ans? Comment penser à long terme et opérer un véritable redressement quand on change de ministre si souvent? On a peur de se mouiller, de donner un véritable coup de barre, de toucher à des structures qui sont là depuis des lustres et qui risquent de s’écrouler. C’est mal vu de souligner les lacunes du système quand on n’a pas de véritables solutions de rechange.

 

On investie beaucoup plus de temps et d’argent à analyser l’état des lieux qu’à développer des solutions pouvant agir à long terme.

 

Dans cette perspective de l’immédiat, on réclame pour hier une jeunesse rentable, plaçant l’économie au centre des objectifs de l’éducation. Afin de contrer décrochage, redoublement  et échec, on mise sur le nivellement vers le bas  plutôt que sur un investissement, un meilleur encadrement et une revalorisation de l’enseignement. On maintient les élèves en difficultés à flot et ce n’est pas leur rendre service. Quel résultat espère-t-on?  On se retrouve avec une main d’œuvres sous-qualifiée qui n’a pas les compétences que son diplôme stipule. Pourtant « l’élément fondamental de l’investissement en capital humain, c’est que les avantages de l’éducation sont non pas immédiats mais futurs : elle améliore les aptitudes et, ainsi, la productivité. La décision de son acquisition doit donc faire référence au futur et à un futur relativement lointain, pas seulement à la sortie de l’école[1] ».Mais la tendance n’est plus à penser à long terme.

 

On ne cesse de le répéter, autant dans les médias qu’entre les murs des écoles : tout est une question d’argent. Comme on demande au gouvernement d’investir en éducation, on demande aux étudiants d’investir dans leur avenir. C’est d’ailleurs toujours l’argument de base pour une hausse des frais de scolarité : étudier est un investissement pour lequel il vaut la peine de s’endetter.

 

Quand on place la rentabilité en haut de l’échelle de valeurs de sa société, il faut s’attendre à avoir des jeunes qui voudront rentabiliser leurs études également. Ces jeunes ont  payé pour apprendre quelque chose qui les mènera à un métier afin d’obtenir une richesse, un confort, en retour. C’est un rapport donnant-donnant. Il n’y a rien de mal à étudier afin de gagner sa vie, absolument pas. Mais cette perspective masque complètement celle de la richesse du savoir, des connaissances et de la curiosité intellectuelle.  «Les jeunes sont devenus plus consuméristes. Ils se disent : Je paie cher, donc je m’attends à des services et je m’attends à un diplôme. Comme au magasin. Alors que, dans les années 70, c’était plutôt, je m’en vais à l’université, si jamais l’université m’en trouve digne, peut-être que j’arriverai à devenir quelque chose», note Michel Umbriaco, professeur à l’UQAM, spécialiste de la gestion des universités.[2] ».

 

Comme les universités québécoises sont elles-mêmes endettées, elles investissent aussi en vue de retombées économiques plaçant des intérêts pécuniaires au-delà de leur mandat d’instruction. Les universités se comportent maintenant elles-mêmes comme des entreprises : campagnes publicitaires, slogans, études de clientèle « On recrute des étudiants qui n’ont pas nécessairement les aspirations ou les capacités pour ce genre de formation, et qui auraient été plus heureux ailleurs. Du coup, les étudiants ne sont plus tellement intéressés par les cours ou par le fait d’acquérir des connaissances, mais par le fait d’avoir un diplôme[3]». On pense bien davantage à bourrer le ventre de l’université qu’à offrir l’occasion à ceux qui y entrent de se nourrir l’esprit.

Qu’est ce qui fait que la société québécoise, autrefois une société presque exclusivement ouvrière est devenue auto-suffisante? N’est-ce pas parce qu’elle a choisi, à un certain moment, de mettre l’éducation au premier plan? N’est-ce pas parce qu’elle a voulu former des scientifiques, des penseurs, des gens de lettres et des artistes sans que ceux-ci aient à s’exiler pour obtenir une formation de qualité? Sommes-nous bien conscients de l’impact des choix qui se font en ce moment en éducation? J’ai bien peur que non.

 

Je suis de ceux qui croient que le savoir, les compétences, les connaissances, sont les outils de la liberté; liberté de penser et d’être, liberté de rêver et d’agir. La valeur de l’instruction ne se mesure pas qu’en investissements et en retombées économiques, elle va bien au-delà de ça. « L’éducation permet de mieux comprendre les enjeux sociaux et politiques; souvent elle est la condition pour être entendu dans les débats et les influencer. S’il a appris à comprendre son environnement et à interpréter le monde, l’ancien étudiant est mieux en mesure de s’y adapter, si ce n’est de le changer[4] ».  C’est précisément dans cette perspective que j’entends poursuivre ma démarche en enseignement.



[1] LEMELIN, Claude. L’économiste et l’éducation, Québec : Les Presse de l’Université du Québec, 1998, p.89

[2] BALLIVY, Violaine, LEDUC, Louise. 2008, Plus d’étudiants,  plus de revenus : La Presse, 15 avril

[3] BALLIVY, Violaine, LEDUC, Louise. 2008, Plus d’étudiants,  plus de revenus : La Presse, 15 avril

[4] LEMELIN, Claude. L’économiste et l’éducation, Québec : Les Presse de l’Université du Québec, 1998, p. 82 et 83



Reçu le 4 février 2009, Corinne, France:


Telle est la question

 

Tel un miroir grossissant, l'enseignement nous renvoie l'état de délabrement de toute une société, à travers le comportement de plus en plus déstructuré des enfants.

 

Derrière l'agitation croissante d'une jeunesse incapable de se concentrer, vampirisée par l'absorption massive de tous les produits médiatiques en vogue, l'oeil rivé sur des images virtuelles du soir au matin, le cerveau constamment agressé par la musique du baladeur qui ne les quitte jamais, derrière le masque de l'arrogance, de l'insolence, voire de la violence, se profile un malaise grandissant, une souffrance authentique.

 

La jeunesse se cherche désespérément dans un cadre scolaire vidé de sens, qui ne lui apporte rien, rien de fondamental, ni la puissance du rêve qui élève, ni la certitude de trouver plus tard un travail.

 

Malgré l'acharnement héroïque des enseignants à recréer ce sens, presque en luttant à contre-courant, le bateau coule à pic.

 

Car soyons clairs, dans une société devenue uniquement mercantile, obsédée par le rendement économique et le pouvoir de l'argent, qu'est-ce que l'école peut encore transmettre qui soit reconnaissable par les enfants?

 

L'humain quitte l'école, les programmes se vident de toute substance émotionnelle. Tout devient forme mécanique, sans esprit et sans vie : on ne pense plus, on ne réfléchit plus. On coche des cases.

 

On est mûr pour s'engouffrer dans le dédale de l'informatique sans le fil d'Ariane de l'esprit critique et du discernement.

 

Bientôt les ponts seront définitivement coupés entre l'adulte et l'enfant si l'on ne se pose pas la question fondamentale, celle qui chapeaute toutes les autres, qui explique tous les remous sociaux actuels, le mécontentement généralisé.

 

QUEL EST LE SENS DE L'EXISTENCE, POURQUOI VIT-ON?

 

Pour servir la cause d'un système ? La cause d'une idéologie ?  La cause d'un intérêt partisan en lutte contre d'autres intérêts tout aussi partisans ? Ou plutôt pour s'accomplir en tant qu'être humain digne de ce nom ?

 

C'est une question qui mériterait d'être posée, car de la réponse découle tout un choix de civilisation et donc d'éducation.

 

Et là où l'on en est, il devient impératif de trouver des réponses, mais elles ne peuvent venir que de la bonne question.

 

Ainsi parle un petit prof.

Corinne




Reçu le 7 février 2009. Caroline Poirier, Montréal:

POUR UNE ÉDUCATION DURABLE

 

Dans leur Manifeste, les Échassiers font la promotion d’un citoyen au sens critique aiguisé par les expériences et le savoir, d’un citoyen socialisé politiquement.   Tel qu’enseigné par Durkheim, l’individu peut acquérir un sens critique à travers son noyau familial, ses réseaux sociaux, ses expériences de travail, ses voyages, son environnement, son éducation.  Ainsi, l’éducation joue un rôle important et non négligeable dans la transmission des connaissances et des attitudes fondamentales que nous sommes en droit de questionner.  Cependant, il nous faut garder à l’esprit qu’elle n’est qu’un élément de l’équation…

 

Pour donner suite au Manifeste des Échassiers, je m’appuierai sur mon parcours scolaire et sur les défis que j’ai rencontrés dans les différentes institutions d’enseignement que j’ai fréquentées.  Loin de moi le désir d’attiser le débat sur la réforme scolaire, mais je dois avouer que, faisant partie de la génération « du nouveau programme » de la première année du secondaire à la dernière, j’ai véritablement appris mes règles de grammaire en cinquième secondaire grâce à un professeur au caractère indomptable qui nous a imposé son propre programme au détriment de celui du ministère.  Et heureusement, je le remercie encore ! 

 

Puis le cégep.  Faisant partie de la minorité des étudiants qui n’arrivaient pas du privé et des écoles à vocation internationale, j’ai regretté ne pas avoir participée à des cours enrichis et à des activités parascolaires comparables à celles de mes camarades…  Je garde de très bons souvenirs de ma polyvalente, je me suis adaptée au niveau et j’ai poursuivi mon parcours avec des résultats satisfaisants, mais j’ai bien l’intention d’inscrire mes enfants à la meilleure école possible et j’ai la curieuse intuition qu’elle ne sera pas simplement publique.  Pardon, un autre débat à éviter !  Force est de constater que cet exercice est pertinent…

 

Ensuite vient l’université. Partagée entre plusieurs pavillons et perdue dans des classes comptant parfois plus de 200 élèves, c’est l’anonymat qu’il faut apprivoiser.  Ça et le fait d’être un code permanent sur une liste pour le professeur perdu derrière son micro et son projecteur.  Or, le professeur est impuissant devant ce phénomène et il ne faut surtout pas lui jeter la pierre.  Il faut plutôt oser intervenir en cours et le consulter à son bureau, aller à sa rencontre et profiter de sa disponibilité et de son expertise…  Je parle bien sûr de celui qui enseigne par passion et par amour pour sa discipline, de celui qui croit au partage des connaissances.  Je ne fais aucunement référence au chercheur, obligé d’être là par l’administration, qui torture l’élève d’ennui et lui enlève tout intérêt pour la matière.  Encore une fois, il ne faut pas blâmer le chercheur compétent mais l’administrateur. 

 

     En effet, c’est à la bureaucratie qu’il faut reprocher les lacunes de notre système d’éducation car, trop souvent, elle suit un modèle de prise de décision rationnelle qui provient des sciences économiques.  Selon ce modèle, le décideur compare les différentes solutions à une problématique par un calcul des coûts et des bénéfices.  Il prend ensuite une décision optimale et efficiente comme celle d’augmenter le nombre d’élèves par classe ou de réduire les sommes allouées au monitorat.  Or, la gestion d’un système d’éducation n’est pas comme magasiner une police d’assurance.  Pourquoi chercher à tout optimiser dans une vision à court terme plutôt que de développer un projet d’éducation à long terme pour faire changement ?          

 

En ce qui concerne cette question qui a soulevé la communauté étudiante il n’y a pas si longtemps, soit celle de l’accessibilité à l’éducation, il faut être nuancé.  Pour les étudiants qui ne bénéficient d’aucun support parental, notre système d’éducation post-secondaire leur est accessible grâce au programme de Prêts et Bourses et l’égalité des chances est véritable. Toutefois, un système scolaire totalement gratuit serait préférable pour éviter que ces étudiants soient endettés au commencement de leur vie adulte, mais nous sommes en Amérique du Nord et un tel système semble peu envisageable. 

 

Plutôt que demander une restructuration du système dans son ensemble, je propose donc que le calcul de l’aide financière soit révisé et rehaussé afin que les enfants de la classe moyenne et ceux qui ne sont pas supportés par leurs parents aisés puissent y être éligibles ; afin que tous puissent vivre au-dessus du seuil de la  pauvreté.  Ainsi, l’étudiant n’aurait pas à travailler au détriment de ses études et il serait soumis à moins de stress financier.  Car il faut bien l’avouer,  présentement respecter un budget selon la somme allouée par le gouvernement requiert beaucoup d’ingéniosité ! 

 

Caroline Poirier

étudiante au baccalauréat en Communication et Politique à l’Université de Montréal


 


 


 

 

Reçu le 20 mars 2009, Jehan Leprêtre, France:

 

Bonjour les échassiers,

Selon moi, l'éducation n'a qu'un seul but, permettre à l'individu de se libérer du moi. En effet, quoi de plus essentielle dans une vie que d'être relié aux autres et à l'humanité dans son ensemble ?
Mais la vision de l'éducation diffère selon la nature de l'homme.
Définir la fonction première de l'éducation revient à affronter, sous cet angle, la question philosophique majeure : qu'est-ce que l'homme ?
Si l'on voit l'être humain comme faisant partit d'un tout, d'un ensemble auquel il appartient (l'humanité), d'un immense vitrail dont il est une couleur qui se coordonne et se complète avec celle des autres, l'éducation n'a de sens que d'éveiller l'Homme a cette dimension.
En revanche, l'éducation peut aussi avoir pour objectif la réussite et l'élévation dans la société si l'on perçoit la vie de l'individu comme une course effrénnée vers l'argent et la gloire.
Malheureusement, l'Ecole sert le côté individualiste de l'individu et ne permet en aucun cas son éveil.

Bon courage à tous les deux,
Jéhan

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